Mon séjour en Belgique 🇧🇪 : Quel imaginaire pour ce territoire ? Le symbole du Nuton.

J’aimerais commencer cet article, parlera d’imaginaire, des contes et des légendes, par une citation d’un grand monsieur spécialiste de ces questions.

« Le monde est exploré et expliqué, hélas dépoétisé : on ne conquiert plus son domaine par des rites d’intimidation, on l’achète devant notaire ; on ne se rend plus à la fontaine aux fées, on tourne un robinet. Par bonheur, les génies survivent et sortent de l’ombre chaque fois qu’un écrivain retournant à nos racines n’hésite pas à s’inspirer des croyances du terroir ou des ouvrages du passé, faisant en quelque sorte oeuvre pieuse en transmettant, à nous et nos enfants, le souvenir d’un monde disparu où les génies étaient indissociables des hommes »
— Démons et génies du terroir au Moyen Age, Claude Lecouteux

Lors de mon séjour en Belgique, j’ai eu l’occasion de me plonger dans l’univers fascinant des mythes et légendes des Ardennes, une région où l’imaginaire et le folklore se mêlent aux paysages verdoyants et aux vieilles pierres. Inspirée par ma lecture de l’œuvre « L'Ardenne fantastique », j’ai découvert des créatures et des histoires qui peuplent l’esprit des habitants depuis des siècles. Je souhaite vous en faire découvrir une en particulier à travers cet article, le nuton.

Les Nutons :

Les Nutons, aussi appelés lutons, duhons, sotêas, ou massotês, sont des lutins légendaires de l’Ardenne. Leur description est riche de détails : de petite taille, comparable à celle d’un enfant de quatre ou cinq ans, ils portent une barbe poivre et sel descendant jusqu’à la ceinture et coiffent leur tête d'un bonnet rouge distinctif. Ces créatures habitent les grottes, les cavités rocheuses, et les ruines oubliées, ne sortant qu’à la nuit tombée pour travailler en secret.

Leur nature est complexe et ambiguë. Les Nutons sont à la fois taiseux et gourmands, serviables mais susceptibles, voire vindicatifs lorsque contrariés. Ce sont des artisans d’une habileté extraordinaire, excellant dans de nombreux métiers tels que la forge, la cordonnerie, la chaudronnerie, la taille de pierre, et même la recherche de trésors cachés. Leur talent, mis au service des villageois, leur valait la gratitude sous forme de dons alimentaires. Beurre, pain de lait, et œufs faisaient partie de leurs régals préférés !

Mais comment les reconnaitre dans la forêt, dans les recoins sauvages de l’Ardenne ? Il vous faut identifier une marede.

C’est l’un des symboles les plus frappants de l’activité des Nutons, une grosse pierre qui servait de point de dépôt pour les chaussures à réparer. Les villageois venaient y déposer leurs biens et, au matin, retrouvaient leur ouvrage réparé, brillamment exécuté par ces êtres nocturnes. En échange, ils laissaient de la nourriture en guise de rétribution, perpétuant ainsi un pacte tacite entre les humains et les Nutons. Ce rituel témoigne de la cohabitation pacifique mais mystérieuse entre les deux mondes.

La pierre porte encore aujourd’hui les traces de cette légende, et certains disent que les scules, ces petites écuelles creusées dans la roche, servaient de bols aux Nutons pour leurs festins nocturnes.

Mais à quoi pouvait donc ressembler les échanges, les relations entre les villageois et les nutons ? Afin de vous plonger dans cette atmosphère, j’ai décidé de vous concocter un joli conte, le voici :

« Il était une fois, dans un petit village niché au cœur des montagnes, une femme au grand cœur qui, un jour d’hiver, aperçut un nuton tombé au bord du chemin, frissonnant et souffrant de la fièvre. Elle s’empressa de le prendre dans ses bras, lui prodiguant des soins et des paroles réconfortantes jusqu’à ce qu’il retrouve sa vigueur. Le nuton, reconnaissant, lui promit de la remercier d’une manière particulière. Il lui tendit alors un paquet plié en quatre, qu’il lui demanda de ne pas ouvrir avant d’être rentrée chez elle.

Mais la femme, dotée d’une grande curiosité, n’arriva pas à contenir son impatience. Alors qu’elle marchait sur le sentier, le paquet déjà presque ouvert, elle jeta un coup d’œil furtif. À sa grande surprise, elle ne découvrit qu’une pluie de flocons d’avoine qui s’éparpillait dans le vent, se dissipe dans la brise glacée. Un léger soupir s’échappa de ses lèvres. Elle se dit que le nuton, malgré ses bonnes intentions, lui avait offert un bien maigre cadeau.

Arrivée chez elle, la femme secoua son tablier pour en chasser les derniers flocons. C’est alors qu’elle aperçut, glissée dans un coin, une petite pièce d’or brillante. Le regard de la femme s’élargit en une stupéfaction muette, et son cœur se serra. Elle réalisa alors la vérité de ce geste : la pièce d’or n’était pas simplement un cadeau, mais une bénédiction dissimulée sous une apparence modeste. Elle s’était laissée emporter par sa curiosité, brisant la promesse du nuton, mais ce dernier, dans sa sagesse, lui avait offert une leçon sur la patience et la gratitude.

Le regret envahit la femme, et pendant longtemps, elle pensa à ce moment. Elle se rappela les flocons d’avoine soufflés par le vent, et en même temps, le précieux cadeau qu’elle avait failli négliger. Elle s’efforça de se souvenir que parfois, les plus grands trésors se cachent derrière des apparences simples, et que l’attente, même la plus difficile, peut mener à des récompenses inattendues.

Ainsi, la femme apprit à cultiver la patience et la sagesse dans ses gestes quotidiens, et son cœur se remplit de gratitude pour le nuton et son précieux enseignement. Et chaque hiver, lorsqu’elle voyait les flocons d’avoine se mêler à la brise, elle se souvenait de la leçon qu’il lui avait donnée. »
— L.

J’espère que ce conte vous a plu. À présent, je souhaite vous parler de ce qu’il s’est passé ensuite. Du sort qui était réservé aux nutons avec l’avénement du christianisme.

Dans certaines parties de la région, les Nutons étaient aussi connus sous le nom de duhons, un terme dérivé du latin dusius, qui désignait une petite divinité gauloise. Toutefois, avec l’avènement du christianisme, les Nutons ont été assimilés à des démons et faunes, leur image adoucie mais imprégnée d’une ombre maléfique. Il était strictement déconseillé de chercher à les apercevoir, sous peine de s’attirer leur colère.


Mon exploration des symboles et légendes de l’Ardenne m’a révélé combien les croyances anciennes et les récits fantastiques sont encore présents dans l’âme de la région. Ces histoires, qui passent des générations avec leurs mystères et leurs leçons, rappellent l’importance du lien entre l’homme et son environnement, peuplé de présences invisibles mais profondément vivantes. Je vous ai aujourd’hui parlé des nutons mais je vous retrouve dans de futurs articles pour vous permettre de rencontrer d’autres créatures.

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