Le coucou gris, un oiseau aussi mythique que…parasite!
Après le lundi herboristerie, je vous donne rendez-vous une semaine sur deux pour un jeudi ornithologie! Autant faire la part belle à une autre de mes passions ( et formation ) la science qui s’intéresse à la connaissance des oiseaux : l’ornithologie.
Dans mon métier de sémiologue, j’ai souvent à faire à des logos figurant des oiseaux : ainsi c’est pour moi important de retracer leur histoire et les récits qui les constituent pour mieux comprendre le message qu’ils véhiculent.
Pour donner le coup d’envoi de cette nouvelle rubrique, quoi de mieux que le printemps et un de ses emblématiques porte-parole : le coucou !
Pourquoi ce nom ?
Allons faire un tour du côté de l’étymologie pour le comprendre
Il existe des dizaines d’espèces de coucous à travers le monde mais celui dont on va parler aujourd’hui est le coucou que nous connaissons ici en France, le coucou gris de son nom latin cuculus canorus qui appartient à l’ordre des Cuculiformes et à la famille des Cuculidés. On voit bien ici la racine commune qui fait référence à l’onomatopée du chant.
Cuculus signifie aussi galant et fainéant, et est parfois même employé comme un terme injurieux pour un mari adultère. C’est une allusion aux moeurs des coucous pendant leur période de reproduction, nous y reviendrons.
Canorus signifie sonore, mélodieux, en référence à son chant.
Sa vaste aire de répartition lui permet d’être présent dans diverses cultures. Lorsqu’on l’entend chez nous il revient d’Afrique mais il est également présent jusqu’en Asie. Mais d’abord, cap sur la Grèce et sa mythologie pour le voir intervenir dans ces temps immémoriaux…
Oui, le coucou est déjà mentionné dans la mythologie greco-latine, et il est même attribué à une déesse : Héra. La femme de Zeus. Chez les Romains on trouve de nombreuses représentations d’Héra ( l’équivalent grec de Junon donc ) avec un sceptre surmonté d’un coucou. Mais pourquoi cela ?
D’abord, il est plausible qu’il soit attribué à une déesse car il peut passer pour un oiseau mythique. En effet, même de nos jours, c’est un oiseau que l’on ne voit que très peu même si on l’entend beaucoup ! Son chant dissyllabique est reconnaissable entre mille. De là, lui vient une aura mystérieuse. Un oiseau qui ne se laisse pas voir, tout comme les dieux.
Chez les ethnies peuplant la Sibérie, le coucou est un auxiliaire du chaman : il ressuscite les morts, croyance liée à son retour du printemps et se trouve ainsi associé comme d’autres oiseaux migrateurs, au retour de la vie, au réveil de la nature. C’est la même idée qui prévaut dans la culture japonaise qui fait du coucou un messager du royaume nocturne, car son chant matinal accompagnerait le retrait des ombres de la nuit.
Mais si, vraiment, vous voulez l’apercevoir, Guilhem Lesaffre, auteur de Légendes d’oiseaux, vous donne une clé précieuse, et je vous la partage avec joie. D’abord sortez le chercher entre avril et mai, mais surtout, trouvez un marais à roselière et attendez-le, il viendra bientôt.
L’origine de sa présence doit être recherchée parmi les circonstances de la rencontre entre Héra et son mari.
Zeus qui voit tout, aperçoit Héra occupée à flâner dans les bois couvrant les pentes du mont Thornax, sommet également nommé “la montagne au coucou”.
Zeus se transforme en coucou et fait tomber une averse, c’est donc un pauvre coucou trempé qu’Héra aperçoit. N’écoutant que son coeur, et pionnière en matière de défense de la nature, elle ramasse le pitoyable coucou et le glisse sous sa tunique afin de lui faire profiter de la bienfaisante chaleur de son sein. Aussitôt Zeus reprend son apparence normale : celle ci sous le coup de l’émotion cède à ses avances et accepte de convoler avec lui.
Déjà ici nous voyons que les histoires d’amour dans lesquelles le coucou intervient ne sont pas très claires et comportent une partie toujours un peu délicate..
Coucou ou cocu ?
Mais cela s’explique par les moeurs de l’oiseau et sa réputation. Aussi, coucou vient du kuku au Moyen Age qui était le cri pour désigner les amants adultères ! Je vous explique.
Le coucou, dans le monde des oiseaux est un peu considéré comme un parasite. Cela vient du fait qu’il ne fait pas de nid. Il ne s’occupe pas de cette partie là. Alors il la laisse aux autres ! Il pond ses oeufs dans les nids des autres espèces et laisse ces dernières s’occuper de la garde, de la nourriture et de l’éducation de ses petits.
Le mâle des hôtes parasités se fait avoir et doit s’occuper d’une couvée qui n’est pas la sienne. De là vient la confusion entre Coucou et Cocu. Maintenant vous savez !
Et comme si il y avait une compensation par l’argent de cette malédiction sentimentale, mais si, souvenez-vous de ce proverbe heureux au jeu, malheureux en amour, on trouve de nombreuses croyances relatives à l’argent !
La plus connue est celle selon laquelle votre fortune est assurée si vous avez une pièce d’or dans la poche lorsque vous entendez son premier chant au printemps.
En Allemagne, on dit kuckuksei oeuf de coucou, pour parler d’un cadeau douteux. Cadeau tout de même!
“A la saint Barnabé, le coucou redevient épervier”
Qui l’eut cru, on prête également au coucou des pouvoirs de métamorphoses, et pour cause, sa silhouette peut causer parfois une confusion, de loin, notamment avec les éperviers ou les petits faucons. Cette ressemblance à donc donné lieu à des croyances un peu folles, sur les pouvoirs de notre coucou gris.
Ce dicton “À la saint Barnabé, le coucou redevient épervier” est un dicton occitan qui dit que lorsqu’on ne l’entend plus c’est qu’il est redevenu rapace. La saint Barnabé c’est le 11 juin, et les normands aussi partagent la croyance des occitans ! Eux disent “entre juin et juillet le coucou redevient émouchet” émouchet étant un terme qui désigne des petits rapaces.
En soi, l’adage relate le départ du coucou : de fait la plupart des coucous repartent pour l’Afrique dès le début du mois de juillet.
Cette disparition soudaine des coucous et de leur chant a donné lieu à de nombreuses histoires, variant selon les régions. Ici on s’attardera sur celles qui mettent en scène le coucou dans un champ de blé, comme à Guernesey : le coucou partira quand la barbe d’orge lui coupera la gorge..
Selon de nombreuses légendes, le coucou s’en irait au premier bruit de la faux lors des moissons car il garde un souvenir terrible d’une blessure infligée dans le passé. Ailleurs encore, le coucou se tait quand il voit des meules de foin parce que l’un de ses aïeux fut brulé sur l’une d’elles.
Des légendes qui expliquent également sa silhouette malhabile et un peu lourde. Elle serait en effet la conséquence d’un accident de charrue pendant la fenaison. Par crainte de répétition de cet accident il s’envole à l’approche de la fenaison. Souvent il est présenté comme obligé d’emprunter du foin car il a beaucoup maigri. Comme il ne peut pas rembourser, il est victime de la vindicte de ses prêteurs et doit s’enfuir pour leur échapper.
Le coucou batifolait dans une prairie : c’est là qu’une charrette lourdement chargée de foin frais coupé lui roule dessus et lui casse les reins.
Sa silhouette est caractéristique oui, surtout quand il chante avec la queue redressée. Mais cette apparente maladresse est pourtant celle qui lui permet de réaliser de longs trajets migratoires.
Alors, quoi qu’on en dise, le coucou fait partie de ces oiseaux fabuleux.. maintenant vous savez!