L’aulne et la symbolique… de l’Auvergne!
C’est le retour de la chronique d’herboristerie, désormais mensuelle. Et aujourd’hui nous allons parler de l’aulne, cet arbre un peu méconnu, loin de la célébrité de ses amis ligneux le chêne ou le pin. Il a pourtant beaucoup à nous dire.
Il est d’usage dans cette chronique de commencer par le commencement, c’est à dire par le retour à l’origine des mots, à l’étymologie. C’est précisément ici, dans ce domaine, que l’aulne nous révèle ses plus étonnants secrets.
Tout, chez l’aulne, fait référence à l’eau, de près ou de loin. Mais d’abord intéressons-nous à son nom latin, la base : Alnus Glutinosa.
Glutinosa vient du latin gluten qui signifie glu, colle. Pourquoi donc ?
À cause de la viscosité de ses bourgeons qui se déploient au printemps !
Et cet aspect visqueux, un peu collant, est tout à fait cohérent avec l’endroit dans lequel on trouve l’aulne la majorité du temps : les marais.
Mais avant de revenir aux marais, faisons face à la double appellation que connait l’aulne en France.
D’un côté le gaulois aulne et de l’autre, sa variante, typique du quart sud-ouest de la France : vergne. Pour résumer, on parle d’aulne au nord et de vergne au sud. Mais, au nord, et on s’y intéressera un peu plus loin dans cet article, en Bretagne précisément, on parle de gwern.
Et gwern veut aussi dire “marais”. Tout ça colle, c’est visqueux, c’est marécageux : c’est écrit dans son nom. Cela remonterait à une racine indo-europénne relative à l’eau, à la pluie, au marécage.
En effet, c’est l’arbre des marécages par excellence. Il est tellement à l’aise dans le milieu humide et aquatique que c’est son bois qui a été choisi pour façonner les pieux qui soutiennent Venise.
Une belle responsabilité. Pline l’Ancien lui même aurait pu prédire que Venise tiendrait debout grâce à l’aulne. En effet, il dit dans son Histoire Naturelle :
Et Au-vergne du coup ?
Là, j’ai envie de vous répondre.. la réponse est dans la question ! Au-vergne. Littéralement Terre de l’Aulne.
Comme ça, je vous l’accorde… pas beaucoup d’aulnes ni de marais à l’horizon..mais il faut voir plus large et remonter dans le temps. Car c’est à une époque bien éloignée de la nôtre que les aulnes et les marais peuplent l’Auvergne. À l’époque des Gaulois.
Cette information est un détail à prendre en considération pour comprendre le langage symbolique de la région.
Ce dernier pouvant passer, entre autres, par les chapiteaux d’église et autres représentations et iconographies qui pourraient se présenter.
A l’époque, en effet l’aulne possédait son propre langage symbolique.
C’est Jean Markale, dans son Nouveau dictionnaire de mythologie celtique qui nous en apprend à ce sujet. Comme étymologiquement le nom de l’arbre le désigne à la fois lui-même et son sol, c’est à dire, comme nous l’avons vu, le marais, sa portée symbolique s’en trouve chargée.
Le marais est une zone intermédiaire entre le monde des vivants et l’Autre Monde. Sans compter que gwern en breton, le nom de l’aulne signifie aussi mât, une indication qui renforce le sème du passage.
Maintenant que nous sommes remontés dans les siècles et les croyances de nos ancêtres celtes et gaulois, penchons nous sur un pan essentiel pour comprendre la symbolique du végétal aujourd’hui : le langage symbolique du christianisme.
Imputrescibilité immortelle ?
Comme vous le savez, des religions anciennes au christianisme, il n’y a qu’un pas. Donc les sèmes que nous avons vu précédemment n’ont évidemment pas étés ignorés par le christianisme. Elles ont même pu être remaniées.
De son lien à l’eau, rien n’est perdu : il est d’une aide précieuse dans la réflexion de l’église, qui le représente systématiquement là ou se trouve un croisement d’eau ou un courant souterrain.
Aussi, son feuillage persistant, qui en fait un des seuls feuillus en hiver, lui permet de revêtir les sèmes de l’immortalité.
Il est souvent représenté dans les lieux de culte chrétiens, ses cônes sont souvent grossis ( et pris à tort pour des pommes de pin ! ) pour attirer justement l’attention sur l’eau qui passerait dessous.
De l’aulne à tout faire
Enfin, penchons-nous maintenant sur ce que l’aulne peut nous apporter aujourd’hui. C’est la bonne surprise pour la fin de cet article.
Mais pourquoi une photo de cuisine au juste ? Regardez-bien, au centre, le poivrier, c’est lui qui nous intéresse. Car c’est lui qui nous permettra de faire Le poivre des dunes.
Quesako ? Le poivre des dunes, aussi appelé poivre crispé est réalisé avec le chaton ( = l’inflorescence souple généralement pendante ci-dessous ) de l’aulne crispé, une sous-espèce de l’aulne vert.