Le honteux et le sacré : incursion étymologique en amour avec Odon Vallet

 
 
 

Odon Vallet est un célèbre historien des religions. Il publie cet ouvrage passionnant en 1998 autour de couple de mots qui s’articulent autour de l’Amour. Il compare ces binômes pour nous faire saisir l’ambiguïté étymologique qui les lie.

 

Caresse et Charité


Le mot cher vient du latin carus qui désigne ce à quoi on attribue une grande valeur, sentimentale ou pécuniaire. Ainsi l’Eglise forme sur ce mot caritas à la fois chereté et charité. Alors que l’Eglise primitive ne cessa de pourfendre la porneia, un culte idolâtre. Chez les Grecs, ce mot désigne également un rapport entre amour et argent.

Mais la charité ayant vieilli, l’Eglise l’a remplacé par l’amour. Désir de l’autre et don de soi.

« L’autre est le prochain qui nous est cher et mérite notre charité, caresse de l’âme et tendresse des forts. Car la charité de l’homme endure tout et puise sa force dans la générosité du Christ, qui, de riche qu’il était, il s’est fait pauvre pour vous enrichir de sa pauvreté » ( I Corinthiens 7,2 )


4 mots pour désigner l’attirance


EROS : désir sensuel. Le christianisme lui oppose la bonté d‘agapé. Préférant l’éthique à l’esthétique.

OREXIS : tension de l’être, un mouvement vers ce qui lui manque. Dans le Nouveau Testament, il n’apparait qu’une fois pour désigner le désir contre nature qui enflamme les hommes les uns pour les autres.

POTHOS : désir de ce dont on est privé, un regret du bonheur perdu. Un amour pour une personne absente. Sous forme d’un composé épi-pothia : sur-désir. Chez saint Paul il apparait avec un sens positif : celui de revoir des frères éloignés.

EPITHUMIA : nomme un désir venu de l’âme thumos en tant que siège des passions. En grec, ce sentiment n’a pas de valeur morale. Il est conforme à la nature qui fait de l’homme un être de désir pour le meilleur et pour le pire. Profitant d’une quasi-homonymie avec le parfum brûlé en l’honneur d’un dieu païen ( epithumiama ) le grec biblique va faire d’epithumia un désir dévorant, une passion qui consume l’être.

Simon Vouet, entre 1639-40, sainte Marie Madeleine soutenue par deux anges, Musée des Beaux-Arts de Besançon

 
Précédent
Précédent

Les archétypes Bibliques ADAM et NOÉ : qu’est ce que les personnages de la Bible portent comme charge symbolique ? Avec « Qui est mon maitre? » de Jean-Yves Leloup

Suivant
Suivant

Pourquoi étudier la vie des saints en sémiologie (avec François Reynaert et Michel Pastoureau) ?