Le théier, plante du rituel

En effet, c’est ce que nous disent Jean Chevalier et Alain Gheerbrant dans leur Dictionnaire des symboles à propos du célèbre Camellia Sinensis.

La cérémonie du thé a toutes les apparences du rite communiel, on lui attribue d’atténuer la rudesse des moeurs, de discipliner les passions, de surmonter les antagonismes des guerriers et d’établir la paix.


Dans la nature, le théier est un arbre à feuilles persistantes vert foncé qui offre des feuilles blanches à cinq pétales : pour rappeler les cinq sens qu’il permet de faire intervenir dans son expérience ? On pourrait en effet imaginer son goût subtil, le léger bruit de ses feuilles dans la brise, la profonde couleur des feuilles qui se déploient dans l’eau chaude, l’odeur du thé noir infusé dans l’eau bouillante ou encore le duvet des variétés de thé blancs qui caressent les doigts.

Les Anciens auraient sans aucun doute vu une affaire de symbolisme ici.


Comment le thé a-t-il été découvert ? Partons à l’origine de cette découverte dans la vie de l’empereur Shen Nung, en 2737 avant JC.

Cet empereur-agriculteur, connu pour avoir introduit les principes de l’agriculture dans la Chine antique découvre ce breuvage par un heureux hasard : assis sous un arbuste pour prendre le temps de faire bouillir de l’eau afin de se désaltérer, une feuille de l’arbre se détache et tombe dans sa tasse, il découvre alors le goût que donne à l’eau chaude la feuille de cet arbuste sous lequel il est assis.

À partir de ce moment là il commence à réfléchir aux moyens de tirer profit de ces goûts savoureux.

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On a pu voir avec le chanvre, dans l’article précédent que certaines plantes avaient le pouvoir de faire parvenir ses consommateurs à différents états de conscience : le thé possède une histoire étonnement similaire. Pour la connaitre, il faut paraitre à la rencontre de sa naissance “fantastique”.

En effet, selon les mythes du bouddhisme zen, le théier serait né des paupières de Boddhidharma, le fondateur de ce qui a donné ce qu’on connait en Occident comme le bouddhisme zen. Voici la légende :


Boddhidharma méditait devant un mur, immobile pendant des heures, mais lorsque ses premiers disciples voulurent l’imiter, au bout de peu de temps ils s’assoupirent. Ce que voyant, le patriarche s’arracha les paupières, qui, tombées au sol donnèrent aussitôt naissance à deux arbustes dont les feuilles infusées revigorèrent les disciples qui purent reprendre les exercices.

Mais pourquoi le théier serait-il né des paupières d’un moine ? Précisément pour les tenir éveillés et leur permettre d’accomplir à leur tour leur rite - littéralement action correcte en latin- celui de la méditation.


En effet, pour pouvoir méditer sans s’endormir, le thé est un merveilleux allié. Par son pouvoir et son omniprésence dans le quotidien des moines, le thé revêt un véritable symbolisme dans le zen :

Le thé est finalement le symbole de l’Essence à laquelle participe le Soi, mais cette participation n’est pas vacuité dans le sommeil, elle est veille intense et active dans le silence contemplatif.

De là s’est popularisé la cérémonie du thé, en donnant toute sa noblesse à un acte aussi simple mais aussi riche que tout autre acte de notre vie. La pratique de la pleine conscience est l’héritière contemporaine de cette pensée antique.

En Europe le thé arrive par les marchands portugais mais c’est bien par leurs successeurs, les hollandais que l’usage en est vulgarisé, car avant cela le prix est prohibitif.

Un livre de sauge contre deux livres de thé ?

La voici l’astuce des hollandais pour popularisé l’usage du thé en Europe, très avantageuse pour nous procurer davantage de ressources de cette boisson dont les Européens raffolent.

En France, le thé est popularisé via un moyen tout autre : la thèse d’un chirurgien, un certain monsieur Cressé qui soutient les vertus de cette plante pour le corps humain. Racine est convaincu. Mais le prix reste trop élevé et il faudra attendre encore quelques siècles pour que tout le monde y ait accès.

Symboliquement le thé est donc au coeur de la rencontre, du rituel, du lien, du sacré. Car consommer du thé c’est plonger dans une autre dimension du temps, celui théorisé par l’historien des religions Mircea Eliade : le Grand Temps. Le temps de la communion.


Pas besoin de le théoriser encore davantage car même de nos jours, il est question des mêmes aspirations, et c’est Mona Chollet dans son essai anthropologique Chez soi qui nous parle du thé en narrant que selon elle, le thé est du temps à l’état liquide.


Arnaud Riou, lui aussi contemporain, dans L’oracle du peuple végétal rejoint ces dires en faisant du thé une occasion d’inviter le temps dans sa tasse, de se con-sacrer du temps grâce à la chaleur de ce breuvage. Selon lui, le thé ramène à la maison, réelle ou symbolique.

Mais, après cette lecture, boirez-vous à votre tour, votre thé de la même façon ?


 
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